Depuis le mois de mai, le rappeur Booba mène une lutte acharnée contre les influenceurs de télé-réalité et leurs placements de produits, qu’il estime être des « pratiques commerciales trompeuses ». Le 13 juillet dernier, une prétendue sextape fait son apparition sur le Net, montrant une femme en plein ébat sexuel. Le bruit court qu’il s’agirait de Magali Berdah. Si cette dernière a officiellement démenti ces allégations par voie de communiqué, un doute subsiste, malgré tout. Afin de démêler l’écheveau du vrai et du faux, j’ai mené l’enquête. La réponse ferme et définitive se trouve dans cet article, preuves à l’appui.
Outre le conflit entre la Russie et l’Ukraine, c’est la guéguerre inattendue qui aura marqué l’année 2022 au fer rouge. Depuis le mois de mai, Booba, l’indéboulonnable rappeur de Boulogne, s’échine à poursuivre de sa vindicte Magali Berdah, l’agent des stars de la télé-réalité.
Une sextape faussement attribuée ?
C’est dans ce contexte tendu qu’une vidéo prétendument volée – dont la source n’est pas identifiée – fait son apparition sur les réseaux sociaux, le 12 juillet dernier. En l’espèce, il s’agit d’un film à caractère pornographique de 38 secondes mettant en scène une femme d’âge mur en train de pratiquer une fellation, en plan fixe.
Sur Twitter, la nouvelle se répand aussitôt comme une traînée de poudre (blanche). Dès lors, des internautes identifient la personne de la vidéo comme étant Magali Berdah.
Le mercredi 13 juillet, le « punchliner » mué en « punisher » enfonce le clou sur la rumeur de façon détournée :
Arrêtez de m’envoyer la sextape de Magali Berdah. Je ne la publierai pas. Merci.
Booba
Devant ses 5,7 millions de fans, ce tweet assassin aura pour effet de présenter la rumeur comme vraie, sans vérification aucune.
En retour, celle qui se serait bien vue « ministre des réseaux sociaux » réplique tout de go via Instagram au leader incontesté du rap français :
« Depuis deux heures, le rappeur Booba tweet au sujet d’une vidéo sextape qu’il m’a attribué évidemment mensongèrement ! Son tweet a été retweeté malheureusement des milliers de fois en seulement deux heures, car certains se nourrissent de haine et d’humiliation ! En faisant ce tweet, il savait très bien qu’il allait mettre en lumière cette vidéo, et l’ampleur que ça allait prendre, surtout que sa meute allait s’empresser de poster cette vidéo partout ! Mes enfants, ma famille, mes amis ont donc reçu cette vidéo, et ce soir c’est pour eux que je m’exprime ainsi que pour ma dignité ! Cette dignité qu’il essaye de me voler depuis deux mois. »
Plus loin, la « mère de trois enfants » poursuit : « Mes équipes ont identifié la vidéo pornographique et l’actrice représentée sur cette vidéo ! Je tiens à disposition de la presse, la vidéo en question pour en faire preuve et pour dénoncer encore le comportement inhumain que me fait subir cet individu et sa meute depuis deux mois ! »

Pour autant, rien n’est encore tranché sur la question dans la mesure où aucune preuve n’appuie l’argument selon lequel il n’agirait pas d’elle. Magali Berdah n’a, en effet, pas divulgué l’identité de la personne présente dans la vidéo. Pour cette raison, une partie du public reste persuadé – à tort – que cette supposée sextape la mettrait en scène, ce qui est très astucieux de la part de l’invincible Booba, mais est-ce la vérité ?
Voilà ma curiosité piquée au vif. Si cette personne n’est pas Magali Berdah, qui est-ce ? Ainsi ai-je donc décidé de mener ma propre enquête. Mon but : remettre de l’ordre autour d’une idée reçue.
Un petit mot d’avertissement tout d’abord : il ne s’agira pas ici de prendre parti pour l’un ou l’autre, ni d’intervenir dans cette guéguerre d’ego tout juste bonne à amuser les gogos, mais de rétablir la vérité factuelle, selon une méthode purement journalistique.
Le sosie de Magali Berdah identifié
Mon premier réflexe sera d’effectuer une recherche d’image inversée. Pour ce faire, je scanne le visage de la femme présente sur la vidéo en la soumettant à un puissant logiciel de reconnaissance faciale. Une idée qui va aussitôt lever tout doute sur son identité.
Après avoir téléversé le portrait, je constate que d’autres clichés de cette même femme ont été déjà postés sur le Net par le passé.
Mêmes yeux bleus, même nez aquilin, même implantation capillaire en pointe sur un front bombé… Aucun doute possible. Après vérification des faits, autant vous l’annoncer d’emblée.
NON, il ne s’agit pas de Magali Berdah dans cette vidéo, mais bel et bien d’un vague sosie. Un fait aisément constatable. Le résultat est probant, sans appel. En voici la preuve ci-dessous.

Qui est donc cette femme prise à tort pour la papesse du placement de produit digital ?
Il m’est impossible de vous donner une réponse dans l’immédiat, et pour cause : l’accès vers le site web source où figure ledit sosie est payant. Il nécessite un abonnement à 36 € par mois. Sauf votre respect, il est hors de question que je gaspille, ne serait-ce qu’un Boyard, pour une querelle de millionnaires.
Par chance, une infime partie des adresses URL est visible à titre gracieux dans la partie résultats. Parmi celles-ci, je devine rapidement le nom du site villagelibertin.com, un réseau social favorisant les rencontres libertines et échangistes, que je m’empresse de passer au peigne fin.
Bingo ! À travers bien des pages insipides dévolues aux petites annonces libertines, le sosie de Magali Berdah m’apparaît sous le pseudonyme d’ « Isabricot. » Pour les quelques oreilles chastes qui l’ignorent encore, l’abricot est un mot argotique servant à désigner la vulve en raison de la forme du fruit éponyme. En guise de photo de profil, un cliché à caractère pornographique la montrant en train de pratiquer, à nouveau, une fellation sous le même angle de vue.
Aucun doute n’est possible. Il s’agit bien de la femme présente dans la vidéo porno, à l’origine de la rumeur.

D’après la fiche de renseignements, le profil suivant est établi : une libertine à tendance exhibitionniste âgée de 46 ans, et originaire de La Rochelle, une ville de France située en Charente-Maritime, en région Poitou-Charentes. Si j’en crois ce que je lis, elle forme avec son mari Cyril un couple en quête de rencontres sans lendemain, basées uniquement sur le sexe. Et visiblement, elle ne s’en cache pas.
Couple du 17 effrayant, infréquentable, laid, sale et triste à mourir, mais terriblement libéré. Hétéro, bi ou gay pour des rencontres sympas en après-midi voire le soir avec des couples et femmes, voire des hommes si ces derniers correspondent (…) Soirée à plusieurs possibles à la maison ou après piscine / jardin à la belle saison.
Isabricot, actrice X
Qui sait ? Peut-être s’agit-il d’un faux profil. Sur la base de ces quelques éléments, j’entame alors des recherches plus approfondies.
Une libertine doublée d’une actrice porno
Ce qui en ressort, c’est que le pseudonyme d’« Isabricot » a longtemps été relié à un nom de domaine affilié au porno amateur, actuellement indisponible. Son nom : monabricot.com

Actif entre 2004 et 2021, le site a été désactivé, de même que son compte Twitter pour cause d’infraction aux règles.
Si « Isabricot » semble avoir disparu des radars, tout n’est pas perdu. Il existe une solution radicale : Wayback Machine, un outil en ligne permettant de remonter le temps sur Internet de façon à retrouver le contenu d’une page web supprimée.
Ainsi, grâce à ce petit tour de passe-passe, me voilà de retour en 2015, preuve qu’Internet n’oublie jamais.

Première constatation, une fois connectée : monabricot.com est un site porno amateur à contenu payant, tout ce qu’il y a de plus classique. À la vérité, l’actrice X confondue avec Magali Berdah se prénomme Isabelle. Elle tourne parfois sous l’alias d’« Élisa la petite putain », et se présente elle-même en ces termes:
Je suis Isabelle, libertine et salope pour faire jouir.
Isabricot, actrice X
D’après mes recherches, celle-ci est active dans le milieu du porno amateur depuis 1999.

Il faut se rendre à l’évidence. Magali Berdah et Isabelle forment deux personnes distinctes, n’en déplaise aux fans de Booba.
L’affaire est donc enterrée, littéralement.
Aussi peut-on en conclure que la prétendue « sextape » n’en était pas une, puisque nous voilà ici en présence d’une scène de film X tout ce qu’il y a de plus classique, disponible en accès libre. Il serait donc mensonger de parler de « fuite » ou encore de « diffusion non consentie de contenu à caractère privé ».
En l’espèce, c’est plutôt un immense coup de pub, voire un placement de produit (quelle ironie !) pour une actrice porno de seconde zone, inconnue jusqu’alors.
Pour savoir ce qu’Isabelle pense de sa soudaine notoriété, un courriel a été rédigé par mes soins à son attention, malheureusement resté lettre morte.

Sur les réseaux sociaux, les vidéos demeurent en ligne, et certains internautes continuent de présenter – à tort – Isabelle comme étant Magali Berdah, ce qui pourrait fatalement constituer le délit de diffamation.
Quelle meilleure manière de conclure ce risible conflit que celle de citer ce joli trait d’esprit de Michel Denisot ?
Les influenceurs ne parlent qu’aux influençables.
Michel Denisot