Et si tout cela n’avait été qu’une vaste farce ? Gérard Fauré s’est autoproclamé le « dealer des stars » ou encore le « prince de la coke », pour ne pas dire « le roi ». Sa notoriété éclate le 23 octobre 2018 avec la publication du premier tome de ses mémoires. Depuis ce jour, l’auteur de 76 ans se livre à un torpillage en règle du Gotha avec, pour tout bagage, sa seule gouaille. Ses cibles (décédées pour la plupart) étaient multiples. Sous sa plume, feu Jacques Chirac se change ainsi en un vulgaire fumeur de cocaïne. Alain Delon en un soi-disant pédophile. Réfugié derrière son statut de gangster repenti, il prétendait ainsi dévoiler des secrets d’État jusque-là bien gardés. Or, jamais l’ombre d’une preuve n’est venue étayer ses allégations. Libération, RMC, Le Point, Sud Radio… Bon nombre de médias – prétendument sérieux – ont bu les paroles de Gérard Fauré sans jamais les remettre en doute. Pourquoi émettre un bémol ? Le 31 octobre 2022, une interview pour le moins embarrassante fait son apparition sur une mystérieuse chaîne YouTube. Dans cet enregistrement, l’auteur conte des anecdotes invraisemblables à propos de diverses rencontres avec des créatures fantastiques, des extra-terrestres ou encore des reptiles humanoïdes. Et ce, avec la verve qu’on lui connaît, celle qui caractérise chacune de ses interventions publiques.
La vérité est ailleurs. »
Tel est le mantra de l’agent Fox Mulder dans la série X-Files. À quoi pourrait bientôt s’ajouter :
Mais surtout loin, très loin du corpus de livres de Gérard Fauré, l’ex-trafiquant de drogue reconverti en pamphlétaire.
La raison ?
Le 31 octobre dernier, une mystérieuse vidéo a atterri sur une chaîne YouTube, créant la confusion. On y trouve une interview lunaire du « prince de la coke » autoproclamé qui fera date, assurément, tant son contenu est cartoonesque. Au cours de cet entretien, on peut clairement l’entendre prononcer un laïus sur les OVNI, à la surprise générale. Des propos susceptibles de jeter un sérieux doute sur la véracité des tacles répétés contre d’illustres personnalités et, a posteriori, sur son engagement, tout court.
Fait notable : les propos qui vont suivre sont prononcés avec le même aplomb qui caractérise chacune de ses prises de parole en public.
Tout commence lorsque l’auteur de brûlots accuse nommément une jeune femme – dont je vais taire le nom – d’avoir ourdi un complot contre sa personne en lançant à ses trousses une armée de …créatures fantastiques ! Il faut vraiment l’entendre pour le croire.
Hanté par le fantôme d’un alcoolique
« Ce démon, ce diable, m’a harcelé toute la nuit ! Il était là. Il sautait ! Quand j’allumais la lumière, il arrêtait ! Dès que j’éteignais, il était là, à me regarder ! », relate Gérard Fauré avec le plus grand sérieux. Dans la foulée, celui-ci va jusqu’à décrire ce « démon » avec minutie. « Il était marron avec deux cornes. Un monstre ! », précise-t-il.

Sur le fond, l’ex-taulard n’en démord pas, risquant jusqu’à son honneur : « C’est véridique ce que je dis ! Il sautait de la table à mon lit. Il sautait dans toute la chambre ! Je te donne ma parole d’honneur que c’est vrai ! »
À l’image d’un enfant en bas âge en proie à des terreurs nocturnes, Gérard Fauré promeut ensuite la nécessité de dormir avec une veilleuse. « Après, j’étais obligé de dormir avec la lumière allumée. Quand c’est allumé, ils (les démons) ne viennent pas te faire chier. Mais quand c’est éteint, ils viennent ! Il me suivait du regard en grognant, et tout ! Elle commande une armée de démons. »

Face au scepticisme de son interlocuteur, le « prince de la coke » insiste mordicus. « Moi, j’y crois ! », jure-t-il, avec un accent à couper au couteau. Pour la première fois de sa carrière, Gérard Fauré affirme alors détenir la preuve probante de l’existence d’entités démoniaques, sans toutefois la montrer.
« Si un jour, je te vois, je te montrerai la vidéo sur mon téléphone où tu vois un fantôme en train de gratter le sol, de chercher ses bouteilles. »
Quelle est donc cette sombre histoire de bouteilles ? Voici l’explication rationnelle que
donne Gérard Fauré de ce phénomène paranormal.
« Il (le fantôme) était alcoolique. Il n’a pas voulu monter dans l’Au-delà, soutient-il avec vigueur. Il est resté sur Terre dans ma ferme. Tu le vois trop bien ! Tu le vois en train de gratter le sol, et mon chien en train de lui gueuler après. »
Le fantôme était alcoolique. Il n’a pas voulu monter dans l’Au-delà. Il est resté sur Terre dans ma ferme.
Gérard Fauré

C’est à cet instant précis qu’il ponctue son récit fantasmagorique à grand renfort d’effets spéciaux. « À un moment, il (le fantôme) envoie à mon chien deux petits rayons bleus. Mon chien est resté paralysé. Il n’arrivait plus à aboyer ni à grogner. Du coup, j’ai pris peur. J’ai allumé la lumière. Je me suis dit : il va tuer mon chien. Mon chien était encore tout tremblant. Je l’ai, la vidéo ! Je l’ai ! »
Le fantôme envoie à mon chien deux petits rayons bleus. Mon chien est resté paralysé. Il n’arrivait plus à aboyer ni à grogner.
Gérard Fauré
« Ma mère était cheffe d’une escadrille de fantômes »
Incroyable, mais vrai, il y a encore du stock. À ce fatras verbal vient encore s’ajouter cette fulgurance de son esprit enfiévré :
« Ma mère était cheffe d’une escadrille de fantômes, relate-t-il avec gouaille et panache. Presque toutes les nuits, elle dormait dans la chambre à côté de la mienne. Je l’entendais parler à ces fantômes. Elle leur donnait des petits noms, et tout, et tout ! »

Ma mère était cheffe d’une escadrille de fantômes.
Gérard Fauré
Plus loin, Gérard Fauré relate sans sourciller avoir longtemps entendu des voix, à l’instar de la Pucelle d’Orléans. À l’écouter, un démon aurait même pris possession de son esprit, l’enjoignant à ôter la vie à une jeune femme.
« Ils (les fantômes) me disaient : « Tue ta copine ! Tue ta copine ! » Toutes les nuits, c’était pareil ! C’était ces connards qui étaient là », s’écrie Gérard Fauré avec rage. Voilà l’explication rationnelle, la seule, selon lui : « Ces démons, ma mère les avait invités. Ils étaient restés. »
Pour pallier ce genre de déconvenue, l’auteur aurait alors été contraint de s’allouer les services de l’équivalent des Ghostbusters.

« Quand ma mère est morte, j’ai dû faire appel à un sorcier de Bretagne pour faire le nettoyage parce qu’ils (les fantômes) s’attaquaient à moi (…) Je n’arrivais plus à bouger, se lamente ce féru de magie noire. Quand le sorcier est entré chez moi, ses cheveux se sont dressés sur la tête ! C’était incroyable ! (…) Il a dit : » Putain, c’est infesté de démons chez vous ! « (…) Il m’a fait un nettoyage (…) Il faut y croire à ces choses-là. Ça existe ! »
Le prince de l’ufologie
Après la chasse aux fantômes et aux petits diablotins, place maintenant aux petits hommes verts !
« Quand je dis que j’ai vu des soucoupes volantes, il y a des mecs qui se foutent de ma gueule. Ouais, il voit des soucoupes ! Il a fumé la moquette. Je suis désolé. Moi, je fume rien du tout, assure Gérard Fauré d’un ton calme et assuré. Je ne prends plus aucune drogue. Je bois pas. Rien. Je vois très clair dans le ciel ! »

Sur ces entrefaites, Gérard Fauré jure, dur comme fer, avoir surpris un objet volant non identifié dans le ciel dans les trois jours qui ont précédé cette interview. « J’ai vu un engin dans le ciel. Je roulais. J’étais avec deux potes. Il faisait nuit noir. Dans le ciel, il y avait un nuage qui brillait (…) Je m’arrête avec mes potes. Tout d’un coup, de derrière le nuage, il y a un engin qui sort. L’engin, on l’a bien vu. Tout le monde l’a vu (…) Et puis, hop ! Il est retourné se mettre derrière le nuage. Il y a une explication à ça ? »
Chose étonnante, ce ne serait pas la première fois que Gérard Fauré croise la route d’un OVNI à basse altitude, loin de là.
« J’ai commencé à voir des soucoupes volantes en 1952, indique-t-il, avant d’ajouter : Je n’étais pas seul. Il y a avait près de 10 000 personnes sur le gazon en train de pique-niquer. »

Le comble du ridicule est atteint lorsque Gérard Fauré fournit une description minutieuse des engins extraterrestres, lesquels seraient passés au-dessus de sa tête. « Au-dessus de nous, il y avait une douzaine de cigares volants de toutes les couleurs. Verts ! Bleus ! De très belles couleurs ! », déclare-t-il soudain, en toute décontraction.
J’ai commencé à voir des soucoupes volantes en 1952 (…) Il y avait une douzaine de cigares volants de toutes les couleurs. Verts ! Bleus ! De très belles couleurs !
Gérard Fauré
Impossible, en écoutant ces paroles brûlantes tomber des lèvres du prince de l’ufologie, de ne pas songer à cette réplique culte de Fernand Charpin dans Le Schpountz (1938) de Marcel Pagnol :
C’est la fêlure du cigare qui s’est rouverte !
Marcel Pagnol

« Je ne suis pas fou !, se défend toutefois Gérard Fauré. Ça ne peut pas être un avion (…) Les gens ne regardent pas le ciel (…) J’en vois plein, moi. Alors, on me prend pour un illuminé (…) Ici, sur Paris, je n’en vois pas mais dans ma ferme, ça abonde ! (…) Ce qu’ils font, je ne pense pas que les drones en soient capables (…) On ne peut pas dire que je sois malade. Quand je suis là-bas, je suis avec ma gonzesse. Elle voit comme moi. Cette fois-ci, j’étais avec deux potes. Ils ont vu comme moi. Je ne suis pas fou », répète à l’envi ce natif de Fès, au Maroc.
Des aliens à l’aliénation ?
S’ajoute à cette funeste liste le plus grand tabou, selon Gérard Fauré, de la connaissance humaine : l’étude des reptiles humanoïdes.
« Ce n’est pas moi qui parle des Reptiliens, se défend-t-il auprès d’un interlocuteur faisant la sourde oreille, sans doute plongé dans un abîme d’incompréhension. Ce sont des plus grands que moi. » Pour appuyer son propos, Gérard Fauré cite pêle-mêle, à son corps défendant, de « grands hommes » ayant déjà abordé la question susdite, tels Jacques Attali ou encore Bernard-Henri Lévy, sans toutefois citer de sources précises ni de références bibliographiques.
En totale roue libre, le voilà qui s’aventure à la hâte sur le chemin glissant de la famille royale d’Angleterre.
« Lady Di aussi en parlait. Elle en a vu (des reptiliens) ! Elle en a vu au Palais de Buckingham. C’est pour ça qu’elle a voulu quitter le château, et se sauver avec Dodi Al-Fayed », lâche-t-il. Pire encore, il va jusqu’à prétendre connaître – ce qui est le comble de l’audace – le mobile ayant entraîné la mort de Diana Spencer, dite « Lady Di », l’ex-épouse de l’actuel Roi, Charles III, juste avant que sa Mercedes ne percute le 13e pilier d’un tunnel sous le pont de l’Alma, le 31 août 1997, à Paris.
« Elle a vu trop de saloperies là-bas. Elle voyait des reptiliens », devine Gérard Fauré. Et, dans sa frénétique ardeur, il lâche : « Elle (Lady Di) a dit que la reine (Élisabeth II) allait bouffer des enfants dans les sous-sols du Palais de Buckingham. Elle l’a dit. C’est pour ça qu’on l’a tuée, hein ! Pour les gens, ça ne peut pas exister ! »
Telle est la conspiration, dont il atteste l’existence.

Lady Di voyait des reptiliens. Elle a dit que la reine allait bouffer des enfants dans les sous-sols de Buckingham (…) C’est pour ça qu’on l’a tuée, hein !
Gérard Fauré
À l’aune de ces édifiantes déclarations, une hypothèse se dessine : toute l’œuvre de Gérard Fauré reposerait-elle sur un immense tissu d’inepties ? Cette propension à transcender le réel aura-t-elle gagné les 752 pages de ses trois ouvrages ? Se serait-il joué de ses lecteurs, persuadés de s’instruire, aux dépens de la réalité factuelle ? Disons-le carrément. Ne serait-il, somme toute, qu’un auteur de fiction ?
Prenons de la hauteur, et osons aller plus loin.
C’est à se demander s’il ne feindrait pas d’avoir une araignée au plafond par anticipation d’un éventuel procès. Plaider la folie permettrait, à coup sûr, d’atténuer la sévérité des charges retenues contre lui. Du déjà vu, en somme. En 1969, le célèbre boss mafieux italo-américain, Vincent « The Chin » Gigante, simule avec brio les symptômes de la folie à dessein de s’éviter une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
Toujours est-il que Gérard Fauré entend bien poursuivre sur sa fulgurante lancée. Il se murmure que le quatrième tome de ses mémoires serait d’ores et déjà en cours d’écriture. En même temps, il aurait été dommage de s’en priver.
Au détour de la conversation, le prince de l’ufologie se targue d’avoir déjà amassé un joli pactole dans le monde de l’édition. « Ils me rapportent gros, fanfaronne-t-il, satisfait de son effet. J’ai vendu presque plus de 200 000 livres au total avec mes trois bouquins. Ça me rapporte 300 000 euros. » Une fois encore, ces chiffres pharaoniques paraissent fort sujets à caution, à l’image de sa fresque.
Reste maintenant à savoir si la mention « Science-fiction » sera apposée sur la couverture.
